Heure de pointe, rame pleine, journée normale : pas d’orage, pas de grève, pas de chaleur excessive (ou de froid intense), pas de match de foot (ou de Rugby ou de fête de la musique), pas de panne d’avarie matérielle liée à un incident voyageur malade. Métro as usual.
Elle monte dans le wagon, le nez dans son téléphone, bouscule un peu, impolitesse modérée, s’installe en jouant des épaules en équilibre au début du couloir, coincée entre sac à mains et mots croisés. Elle écarte les bras, tête baissée, plongée dans son monde pour faire son trou et rester dans ses pensées.
Autour le ton monte. Il y a un couple de trentenaires ordinaires et tous les autres. Son incivilité est pointée du doigt puis de mots. Ils entament un chœur qui commencent par vous êtes mal élevée et se poursuit en insultes personnelles. Elle s’assoit sur le strapontin tout juste laissé vacant par un individu et les quolibets fusent. Le mâle trentenaire ordinaire la colle, elle devient l’objet ouvert de la conversation. Les remarques fusent sur la sueur qui perle sur son front. La trentenaire ordinaire lui montre sa hernie pour preuve de son bon droit à l’injurier.
Quand elle se lève et quitte le wagon, elle entend le mâle bien pensant prendre un air dégoûté et tonitruant signifier qu’il va désinfecter la place qu’elle vient de quitter.
Elle se rend à son bureau frustrée de toutes les réponses qu'elle n'a pas faites, en colère contre cette cabale à peine justifiée et soulagée de ne pas en avoir pris une.