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Je suis prête depuis plusieurs heures. Dans mon dos, le soleil s’est caché derrière la colline et maintenant que le soir descend, je sens la fièvre qui monte. J’entends la voiture qui arrive. Ce sont eux. Il aurait pu les appeler mais il m’a laissé le faire. Je ne sais pas si j’ai eu raison mais je suis sure désormais que tout ceci a beaucoup trop duré. Je suis fatiguée, lasse de cette fuite, de devoir me cacher. Il faut que cela se termine même si je me sens à l’abri ici, comme nulle part ailleurs. Maintenant je suis prête à affronter le regard des autres, je m’y prépare depuis le jour où je suis arrivée ici. Je ne regrette rien, ni d’avoir tiré, ni d’avoir attendu tout ce temps. Mais maintenant, il me faut parler, expliquer, m’exprimer. J’ai mis ma robe rouge, celle que je portais ce jour-là. Mes valises sont prêtes. L’essentiel est perdu alors plus rien n’a d’importance. Une portière claque puis une deuxième. Leurs pas dans le couloir. Pourquoi mon cœur bat-il si vite alors que je ne regrette rien ? A part peut-être cet endroit, ce calme et cet homme si discret. Combien de temps ai-je passé là ? Dix jours ? onze ? Enfermée dans cette chambre, à ne pas dormir, les yeux grand ouverts en permanence, à regarder la lune se lever et disparaître derrière la colline, à écouter les bruits des autres. De ceux qui aiment et parfois se disputent. Aussi. On frappe. Il faut que je me lève. C’est l’heure. Je n’ai pas de remords.

 

*

 

Il l’avait identifiée au moment même où elle avait franchi le seuil. Sa silhouette, sa robe rouge, ses valises, comme à la télé, malgré ses cheveux courts et ses lunettes noires. Il avait été tenté d’appeler la police mais il ne pouvait pas le faire devant elle, depuis la réception. Alors il l’avait enregistrée, sous le nom qu’elle lui avait donné. L’imprudente. Quand sa main avait effleuré la sienne en lui rendant sa fiche, il avait changé d’avis. Sa douceur, sa tristesse et le léger tremblement de sa main quand elle lui avait tendu la fiche l’avaient atteint. Lui qui était persuadé qu’un criminel le portait sur sa tête, il avait envie de la prendre dans ses bras et de la consoler. Il lui avait donné la 42. Celle avec la grande baie vitrée à l’arrière pour qu’on ne la voie pas depuis la route principale. Il l’avait accompagnée et porté ses deux grosses valises jusqu’à la porte de la chambre. Son ventre avait été pris d’un spasme que jamais auparavant il n’avait ressenti. Elle était là depuis douze jours précisément. Et maintenant les deux gorilles qui viennent d’arriver vont l’emmener. Puisque ce n’est pas lui qui l’a dénoncée, ça doit être elle qui s’est livrée. Pourquoi a-t-elle fait ça ? Il aurait pu continuer à aller coller son oreille contre le mur de la chambre d’à côté pour l’entendre respirer, aller lui porter à manger des petits plats qu’il préparait lui-même. Une porte se referme. Des pas se rapprochent. Il retient son souffle. Elle a la tête haute. Elle le regarde, le visage impassible, apaisée. Il se sent lui sourire. Il n’a jamais été aussi sûr de lui. Les flics peuvent revenir l’interroger, peu importe ce qui lui arrivera, il ne regrette rien.

 

 

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